Il n'y a pas de rêve impossible ...
Bonjour à tous, amis et partenaires de route du projet que j’ai le plaisir de coordonner ici en Guinée.
Pour ceux qui ne me connaissent pas encore, je suis Elie COULIBALY (KOULOUBALY en Guinée). Je suis français d’origine malienne. Je suis né au Mali. J’y ai fait mes études jusqu’au bac à 18 ans. Arrivé en France en 1973, j’y ai suivi des études universitaires à Toulouse, puis travaillé dans la fonction publique française jusqu’à ma retraite en août 2017. Dès septembre, je suis rentré en Guinée avec ce projet à coeur, et que je partage avec vous.
Nous sommes dans la 2ème moitié du mois de septembre. L’hivernage bat son plein ici en Guinée et en Afrique de l’ouest en général. Les fortes pluies ont provoqué des inondations dans plusieurs villes et plusieurs pays de la sous-région. Selon les géographes, Kankan subirait une inondation tous les 7 ans. L’année 2020 confirme ces prédictions. À titre personnel, je ne déplore aucun effet négatif lié aux fortes pluies. À l’heure où je rédige cette lettre d’informations, le ciel est bien sombre, et quelques gouttes de pluie annoncent qu’un épisode pluvieux est en route...
Cette période pluvieuse a bien sûr affecté le programme prévu depuis la 2ème lettre d’informations. En effet, le fameux camion de l’ONG La Ferme et le Village est enfin arrivé ! Il avait été commandé et payé depuis octobre dernier, mais plusieurs rebondissements avaient retardé sa livraison ici à Kankan / Djélibakoro. J’en étais venu à me décourager, jusqu’à même désespérer complètement. À maintes reprises, il avait été annoncé par un « draft » qu’il serait dans tel bateau, puis tel autre, mais à 3 reprises, c’était une fausse alerte. Finalement, la 4è information de la fin du mois de juillet fut la bonne. J’ai donc tenu à effectuer le déplacement jusqu’à Conakry, à environ 700 kms de Kankan.... Parti pour 7 jours dès le 26 juillet, j’y suis resté en tout 3 semaines. Plutôt que de passer par un transitaire, j’ai préféré réaliser toutes les démarches moi-même. Ce fut très formateur de plusieurs points de vue. Ce séjour à Conakry m’a même permis de nouer des contacts très utiles pour le projet, en matière d’agriculture en particulier. J’ai aussi pu récupérer matériellement les titres fonciers déjà signés depuis le mois de juin.
Mais c’est le trajet de retour de Conakry à Kankan qui s’est avéré être une des aventures les plus cauchemardesques que j’ai vécues. Je dois préciser que le trajet fait près de 700kms ; que c’est la saison des pluies ; que la route est en travaux, avec des engins de travaux publics sur presque toute sa longueur ; et donc que la route est très, très, très abîmée pour justifier que des travaux de grande ampleur soient entrepris. Des crevasses, pire que des nids de poule, jonchent la route. Par ailleurs, notre camion était chargé de tuiles en ciment, très lourdes (14 tonnes environ), et de plus très fragiles. Donc, partis de Conakry vers 16h samedi 15 août, nous sommes arrivés à Kankan mardi 18 août vers 11h ! Et pourtant, le chauffeur de poids lourds qui conduisait s’est révélé être expérimenté (il travaille au port, et effectue ce type d’activités lorsque l’occasion se présente).
Enfin, il restait à déposer les tuiles à Djélibakoro sur le chantier, leur destination finale. Le trajet de Kankan à Djélibakoro est entièrement goudronné sur ses 85 kms. Tout s’est très bien déroulé. Mais, en quittant la route principale pour nous rendre sur le chantier, à 2 kms environ, le chemin n’est pas bitumé... Du coup, à moins de 150 mètres de la route, le camion s’est enfoncé sous le poids des tuiles, et aussi parce qu’à cet endroit-là, le sol est sableux. Des véhicules légers empruntent ce passage, mais leur poids ne laisse pas supposer que la terre y est meuble en dessous... Nous espérions qu’en délestant le camion de la moitié de sa charge, nous parviendrions à le sortir de là ; mais rien n’y fit. Il a fallu y passer la nuit, et le lendemain, après avoir déchargé toute la cargaison de tuiles, et déblayé toute la terre qui le bloquait en dessous, le camion a enfin pu sortir de l’ornière ! Nous avons tous poussé un grand ouf de soulagement !!! Surtout après, nous avons suivi un conseil judicieux qui nous invitait à attendre la fin de la saison des pluies, et que la terre soit sèche, pour faire le dernier tronçon de moins de 2 kms. En effet, cela fait bien plus d’un an que nous attendions ces tuiles... Il est plutôt sage d’attendre 1 mois et demi ou 2 mois supplémentaires, plutôt que de risquer un autre embourbement. Nous nous sommes empressés de nous raccrocher à cet avis.
Après toutes ces péripéties, la question se pose : comment ce camion a pu tenir sur toute cette distance de près de 800 kms, sans se renverser, sans se casser, sans abîmer davantage de tuiles ? Après les avoir toutes déchargées (environ 2 200 tuiles), il s’avère que moins d’une centaine seulement se sont cassées lors du voyage !
Parallèlement à ces mésaventures, il nous a été donné fort heureusement d’apprécier les paysages pittoresques et variés qui s’offrent au voyageur. Puisque c’est la saison des pluies, la terre rouge latéritique est revêtue de ses plus belles couleurs. Surtout autour de la ville de Kindia, qui est une région vallonnée et bien arrosée, contrastée, avec des cascades magnifiques. Des averses alternent avec des pluies fines qui descendent comme un arrosage de fines gouttelettes ou comme si elles étaient vaporisées avec un brumisateur, donnant à réaliser qu’une véritable complicité se dégage entre les plantes et l’eau. Il n’est pas étonnant que dans cette région, tout pousse en abondance, et que cette terre soit propice à l’élevage.
Je suis retourné sur les bords du fleuve Milo à Batè Soïla, en face de Gwen So. C’était le 19 septembre. Le changement est patent. Les eaux du fleuve ont atteint des hauteurs telles qu’on a du mal à imaginer qu’on puisse le traverser à pied pendant la saison sèche... Le fleuve Milo est sorti de son lit et s’étale sur plus de 600 mètres en direction de Batè Soïla. Du coup, il faudrait plutôt parler carrément d’un « pont flottant » pour relier les 2 villages pendant la saison des pluies!
Je suis plus que jamais adepte de l’idée selon laquelle il n’y a pas de rêve impossible. Bien sûr, il faut s’armer de patience et de persévérance, ne pas baisser les bras dès que les difficultés inévitables surgiront. S’adjoindre des « Intelligences Multiples », puis essayer, tenter, recommencer, encore et encore. La fermeture « éclair » ou l’ampoule électrique, les vols habités entre autres, ont résisté pendant des années. Quelqu’un a dit que « Rien n’est donné, tout se construit ». Concevoir un objectif, se fixer sur une vision claire et ambitieuse du futur, et tout mettre en oeuvre pour construire ce futur, avec souplesse mais avec fermeté. Ce futur ne sera pas limité à vingt ou cinquante ans, mais devra embrasser au moins trois ou quatre générations, au moins cent vingt ou cent cinquante ans. Avec l’idée que si personne ne peut humainement prévoir l’avenir avec précision, ni savoir de quoi demain sera fait (en paraphrasant Maria MONTESSORI), il est possible de former les jeunes générations à apprendre à s’adapter à ce monde qui change.
Par ailleurs, il est opportun de
« penser globalement, mais agir localement », tel que l’a déclaré avec pertinence Jacques ELLUL.
Comme le fleuve Djoliba, « commencer petit » en contournant les obstacles au début, mais les défiant et les repoussant à mesure qu’il prend de la force (de même que le Gardon, par la force de l’érosion, a créé en Ardèche le Vallon Pont D’Arc) ; il part de la Guinée, puis traverse le Mali, arrose une bonne partie de l’Afrique de l’Ouest, se tourne pour se diriger résolument vers le golfe de Guinée via le Nigéria. Ensuite, ce rêve éveillé s’ouvre à toute l’Afrique, avec en ligne de mire la réalisation des 12 Nations, étape par étape, en passant par l’Europe, le Moyen-orient, l’Asie, l’Amérique, etc. Chemin faisant, il y aura des rivières qui paraîtront infranchissables.
Mais j’ai la certitude qu’aucune rivière ne
demeure indéfiniment invincible, si je veux absolument la traverser.... Les rêves nous sont donnés afin que nous les réalisions, même si certains ont réalisé leurs cauchemars, vivons nos rêves, mais ne rêvons pas nos vies (Antoine de St-Exupéry, Mère Térésa et bien d’autres).
Les rivières et les fleuves sont des rêves d’amour, des allégories qui se sont accomplies....
À son époque, Pierre-Paul RIQUET a inventé le pont-canal (Canal du Midi) et a pu ainsi relier la Méditerranée à l’Atlantique.
Depuis la 2ème lettre d’informations, les priorités sont restées les mêmes ; les points qui étaient retenus sont reportés.
Les toutes 1ères activités que nous envisageons de mettre en place, sont de 4 ordres :
1. La confection et la vente de BTS (Briques de Terre Stabilisée), à partir de la latérite, du sable, un peu de ciment et un peu d’eau. Toujours dans un esprit de s’insérer dans l’environnement avec respect. Nous possédons depuis janvier 2020 une machine à cet effet. La construction de maisons individuelles devrait suivre, selon les compétences du personnel dont nous disposerons.
2. La construction de La Maison SOUNDJATA. Cette « maison » sera un lieu commercial où nous proposons à la vente le maximum de produits traditionnels locaux (vêtements en « bogolan », récipients en argile, encens à brûler, miel, « djinimbéré » (gingembre), etc), des activités traditionnelles de beauté (henné, tresses et coiffure, couture, etc), d’autres produits commerciaux courants (boîtes de sardines, biscuits, jus de fruits, ...)
3. La cuisine traditionnelle et la vente de viande grillée (de chèvre et d’agneau) = DIBI en langage local.
4. La mise en route de l’élevage et la pisciculture sur le terrain de 18 ha.
Voici (toujours) les futures activités prévues sur le très court terme, mais aussi à moyen terme par Djoliba Semence Massa Si, et pour lesquelles l’accompagnement de l'Association Semence Massa Si et La Ferme et Le Village reste important pendant ces 5 ans qui viennent, jusqu’en 2025 :
• Clôture sommaire de l’Espace des Douze Nations
• Aide à la construction de la Maison SOUNDJATA
• Aménagement d’un lieu de traitement des déchets, et qui pratique le tri sélectif
• Mise en place d’un hangar pour protéger les briques qui viennent d’être fabriquées
• Installation d’une pancarte en bord de route pour signaler LES 12 NATIONS
• Acquisition d’un camion benne d’occasion pour le transport de la latérite et du sable *
• Confection des briques en banco pour le hangar des animaux et la maison du berger
* Dans une 1ère intention, ce camion qui vient d’arriver de France par le port de Conakry, est destiné à assurer le transport des marchandises entre Kankan et Bamako, en passant par Siguiri. En effet, les femmes qui vendent leurs produits sur les différents marchés hebdomadaires, doivent transporter leurs marchandises par des camions de cette taille. Cependant, l’opportunité d’acheter une machine pour confectionner des BTS s’est présentée et a pu s’effectuer seulement en janvier, 3 mois après l’achat du camion. Depuis cette acquisition, la priorité est désormais à l’achat d’un camion benne, afin de constituer une véritable entreprise de construction. Des démarches sont entreprises en vue de pouvoir revendre le camion, en réalisant une bonne plus-value, pour investir le prix dans l’achat du camion benne.... À moins que l’on puisse bénéficier d’une aide conséquente qui permette de conserver le camion, et acheter un camion benne ...
Vous trouverez ci-joint le lien vers le nouveau site depuis lequel vous avez reçu cette newsletter : www.12nations.org
Pour nous contacter :
Cathy SCHMITT
Association Semence Massa Si
14, impasse Germain Bénard / 97400 LE TAMPON
Tél +262 692 05 23 09
Elie Coulibaly/Koulibaly
Djoliba Semence Massa Si
Les 12 Nations
ONG La Ferme et le Village
Djélibakoro / Kankan
Tél +224 623 83 83 18
12nations@12nations.org
Les mangues, le Néré, qui doit son nom à sa couleur jaune, et le Zaban, au naturel et en beignet.
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